
L’institution des anciens tribaux de Laâyoune traverse une période critique, exigeant une réflexion approfondie sur son parcours et sa place symbolique au sein du tissu tribal et social des provinces du Sud. Cette institution, qui pendant des décennies a garanti l’équilibre des relations entre les tribus et a servi de source de sagesse et de médiation dans les conflits, commence aujourd’hui à perdre de son éclat et du prestige hérité de ses ancêtres, en partie à cause d’actions individuelles et de dissensions internes qui sèment la discorde et alimentent la division au lieu d’unir les rangs. Depuis sa création, l’institution des anciens tribaux est reconnue pour son rôle historique dans la promotion de l’unité, la réparation des griefs, l’aide aux plus faibles et aux plus démunis, le soutien aux femmes sur diverses questions et la défense des causes les plus importantes de la nation, au premier rang desquelles figure la cause nationale. Elle semblait même fonctionner comme un organe de défense des droits humains avant même l’émergence du concept d’organisation de défense des droits humains. La moralité, la dignité et le statut social des cheikhs représentaient une autorité morale respectée de tous, et ils étaient considérés comme des modèles de sagesse, d’intégrité et d’altruisme. Cependant, les transformations de ces dernières années ont engendré une nouvelle génération de cheikhs qui ont hérité de leurs titres de leurs pères sans nécessairement hériter des valeurs fondatrices de l’institution – et je ne généralise pas. Entre ceux qui détiennent le titre sans substance et ceux qui utilisent la cheikhature comme un instrument de profit personnel, des comportements ont commencé à émerger, ternissant l’image historique de cette institution et portant atteinte à sa signification symbolique profonde pour la population sahraouie. Le dernier épisode de ce déclin a été une dispute publique entre certains cheikhs et un élu local, au moment même où les efforts auraient dû être unis pour célébrer le cinquantième anniversaire de la Marche Verte triomphale, une fête nationale incarnant les plus hauts idéaux d’unité et de loyauté envers la patrie et le trône. Ce conflit, quelles qu’en soient les causes, ne peut être interprété que comme le signe que l’institution s’est éloignée de sa voie originelle. Un véritable cheikh ne s’engage pas dans des querelles publiques ni ne recherche le pouvoir ; il œuvre plutôt à la réconciliation et privilégie le bien commun à l’intérêt personnel. Aujourd’hui plus que jamais, l’institution est appelée à réorganiser sa structure interne, à revoir ses politiques organisationnelles et à mettre en place des mécanismes clairs de formation et d’accompagnement pour les nouveaux cheikhs qui ont hérité du titre de leurs pères sans expérience pratique ni compréhension suffisante de leurs devoirs et responsabilités. De plus, les cheikhs les plus sages et les plus expérimentés doivent contenir toute action imprudente qui ternirait l’histoire de l’institution et éroderait le respect public qu’elle a cultivé au fil des générations. Il est regrettable que les observateurs aient constaté un affaiblissement des protocoles traditionnels et officiels de l’institution, un éloignement de certains cheikhs des tribus qu’ils sont censés représenter et la transformation des événements nationaux en arènes de règlement de comptes personnels plutôt qu’en occasions de renouveler les valeurs d’appartenance et de loyauté envers la nation. Il est temps de distinguer le rôle des cheikhs tribaux, qui relève d’un devoir social et national, de la poursuite d’un intérêt personnel, comme chacun sait. Les titres ne s’héritent pas, ils se gagnent par la noblesse de caractère et le service public. Les transformations stratégiques que connaît actuellement le Maroc sous la conduite de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu lui accorde la victoire, qu’il s’agisse de la défense de la cause nationale ou du développement des provinces du Sud, exigent de l’institution des cheikhs tribaux qu’elle soit à la hauteur de ce moment historique, comme elle l’a toujours fait. Cependant, certaines actions irréfléchies nuisent à l’institution et à tous ses membres. À l’heure actuelle, l’institution devrait s’attacher à mieux encadrer et soutenir la jeunesse tribale, à valoriser l’expertise de ses membres, à instaurer un dialogue avec eux et à les guider dans la bonne direction, conformément à la vision nationale. Quant à s’engager dans des conflits marginaux, cela constitue une dangereuse déviation par rapport au véritable rôle que devrait jouer l’institution. En définitive, il est encore possible de restaurer le prestige de la cheikhature si les cheikhs sages et les autorités compétentes unissent leurs forces pour ramener cette institution à sa vocation première : servir la nation et la tribu, protéger l’unité et préserver l’héritage laissé par les ancêtres, tel un abri qui rassemble tout le monde sans exception sous son ombre.


