
Depuis l’adoption de la résolution 2797 par le conseil de sécurité de l’ONU relative au Sahara, qui a confirmé la validité de la proposition marocaine fondée sur le principe d’autonomie comme seule solution réaliste du conflit artificiel, le débat national a pris une nouvelle orientation concernant les dimensions juridiques et constitutionnelles de la mise en œuvre de ce projet dans le cadre institutionnel marocain.
Entre ceux qui estiment que la Constitution de 2011 offre une flexibilité suffisante pour intégrer ce modèle et ceux qui considèrent que l’autonomie requiert une modification explicite, de la constitution se dessinent les contours d’un débat juridique et politique, témoignant d’une étape de maturité dans le processus d’achèvement de la structure territoriale de l’État marocain.
Ce débat repose sur le constat que le texte constitutionnel actuel, bien qu’accordant aux régions de larges compétences dans le cadre d’une régionalisation avancée, ne contient aucune référence directe au système d’autonomie. Le premier chapitre de la Constitution affirme que « l’organisation territoriale du Royaume est décentralisée, fondée sur une régionalisation avancée », tandis que le chapitre neuf détaille la structure et les pouvoirs des communautés territoriales sans prévoir de système institutionnel indépendant au sein d’un territoire donné. Ceci soulève une question fondamentale : un système d’autonomie peut-il être mis en œuvre au Sahara dans le cadre constitutionnel actuel sans modification substantielle ? Cette problématique est d’autant plus manifeste lorsqu’on considère les restrictions constitutionnelles relatives à la création de partis politiques. L’article 7 interdit leur formation à l’échelle régionale, ce qui soumet toute perspective future de multipartisme au sein de la région autonome à un examen approfondi de l’ensemble du système juridique. À l’inverse, des constitutionnalistes soutiennent que la flexibilité offerte par les articles régissant la régionalisation avancée pourrait constituer un point d’entrée pratique pour activer certains mécanismes d’autonomie par le biais de lois et de décrets d’application, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une réforme constitutionnelle globale. Selon Mariam Abilil, chercheuse en droit parlementaire et constitutionnel : « Suite à la mise en œuvre de la résolution du Conseil de sécurité affirmant l’option d’autonomie dans le cadre de la pleine souveraineté marocaine, le système d’autonomie doit être intégré à la rédaction de la Constitution et à la structure institutionnelle. Cette intégration constitue une étape naturelle pour consolider la voie politique et juridique choisie par le Maroc avec un large consensus national, dans le cadre de sa vision d’instaurer la stabilité et de promouvoir le développement de ses provinces du Sud.» Elle ajoute que le Maroc dispose de « plusieurs options : soit une révision constitutionnelle partielle pour inclure le système d’autonomie dans les dispositions relatives à la régionalisation avancée, confirmant ainsi que l’autonomie représente un aboutissement significatif de ce processus, soit un débat national s’orientant vers une révision constitutionnelle globale, permettant la modernisation de plusieurs dispositions et la mise en place d’un cadre plus clair et plus intégré pour les relations entre l’État et les régions.» Dans ce contexte, les constitutionnalistes divergent quant à savoir si la réforme constitutionnelle envisagée sera une simple formalité technique, se limitant à l’intégration du principe d’autonomie dans les chapitres relatifs à l’organisation territoriale, ou si elle marquera un tournant politique et constitutionnel pour repenser les relations entre l’État et les régions dans le cadre d’une vision globale de la gouvernance locale. Si certains spécialistes estiment que toute réforme constitutionnelle reste tributaire de l’issue des négociations menées sous l’égide des Nations Unies, d’autres la perçoivent, si elle a lieu, comme une démarche souveraine interne, témoignant de la volonté de l’État de traduire son initiative en un texte constitutionnel global renforçant la stabilité et consacrant la décentralisation dans toute sa dimension. Sous l’impulsion de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, qui a insisté sur la nécessité d’engager de larges consultations avec les partis politiques et les institutions nationales concernant les mécanismes de mise en œuvre de l’autonomie, le Maroc semble entrer dans une phase politique délicate, caractérisée par la consolidation progressive de son projet national au sein d’un cadre juridique et constitutionnel clair. Le débat constitutionnel actuel est indissociable de la transformation profonde que connaît l’État marocain depuis une décennie : le passage d’un système centralisé à un modèle territorial équilibré qui conjugue souveraineté et unité nationale, d’une part, et pratique démocratique et développement local, d’autre part. Ainsi, la résolution 2797 de l’ONU ouvre la voie à une nouvelle génération de réformes constitutionnelles et politiques, dont le Sahara marocain constitue l’élément central, non seulement comme sujet de conflit, mais aussi comme espace d’expérimentation d’un modèle institutionnel unique, alliant spécificités locales et appartenance nationale. Entre mise en œuvre politique et modernisation juridique, le Maroc semble s’orienter vers l’élaboration d’une vision globale qui redéfinit les rôles du pouvoir central et des régions dans le cadre de l’unité nationale et de l’État de droit.

