
L’ambassadrice du Kenya au Maroc, Jessica Muthoni Jakenia, a effectué une visite de travail à Laâyoune, signe supplémentaire d’une évolution progressive de la position de Nairobi sur la question du Sahara occidental, dans un contexte de rapprochement croissant entre le Maroc et le Kenya aux niveaux économique et institutionnel. L’ambassadrice, en poste à Rabat depuis mars 2024, est arrivée à Laâyoune à la tête d’une délégation comprenant des représentants d’entreprises, de banques et de l’Agence kényane d’investissement. La délégation a rencontré le wali (gouverneur) de la région de Laâyoune-Sakia El Hamra, Abdeslam Bekrat, qui leur a fourni des informations détaillées sur les grands projets d’infrastructure lancés par le Royaume dans la région ces dernières années. Cette visite s’inscrit dans le cadre d’une communication renforcée entre les responsables marocains et kényans. Le 13 novembre, Mohamed Abdel-Nabawi, premier président de la Cour de cassation et président délégué du Conseil supérieur de la magistrature, a reçu Renson Ngunga, directeur du parquet kényan. Trois semaines auparavant, le ministre des Transports et de la Logistique, Abdel Samad Qayouh, s’était entretenu à Rabat avec Hassan Ali Juho, ministre kényan des Mines, de l’Économie bleue et des Affaires maritimes. Cette initiative est perçue par les observateurs comme un signal politique à dimension économique, témoignant de la reconnaissance de la souveraineté économique du Maroc sur ses provinces méridionales. Plusieurs acteurs internationaux ont suivi une voie similaire. La France avait adopté la même position avant même que le président Emmanuel Macron ne la déclare officiellement dans une lettre adressée au roi Mohammed VI le 30 juillet 2014. L’Union européenne s’oriente également dans cette direction à travers son accord agricole, qui inclut les produits du Sahara marocain, et en lançant des négociations avec Rabat sur un nouveau protocole de pêche. Malgré ce rapprochement, le Front Polisario conserve le soutien de personnalités influentes du paysage politique kényan. Parmi les personnalités les plus en vue figure Moses Wetangula, président de la Chambre des représentants et chef du parti FORD Kenya, membre de la coalition Kenya Kwanza qui soutient le Premier ministre William Ruto. Quelques semaines après l’annonce par le gouvernement kényan de son soutien au plan d’autonomie du Maroc, M. Wetangula a reçu le représentant du Polisario à Nairobi et a affirmé, selon sa déclaration, que le Kenya « est solidaire de la République sahraouie et demeure déterminé à soutenir et à défendre ses intérêts en tant qu’État souverain ». Il s’est également rendu en Algérie après sa rencontre avec M. Akhannouch et M. Ruto à Dakar en janvier 2023, où il a été reçu par le président Abdelmadjid Tebboune et a réitéré son soutien au Polisario. Ces événements illustrent la complexité de la situation au Kenya, marquée par un gouvernement soucieux de renforcer son partenariat avec le Maroc et de poursuivre une nouvelle voie diplomatique et économique, contrastant avec les positions de certains acteurs politiques qui continuent de se rallier à la thèse séparatiste, le tout dans un contexte régional en pleine mutation concernant la question du Sahara occidental.

