La ville de Nador a accueilli dimanche un vaste débat sur les expériences de justice transitionnelle au Maroc, en Amérique du Sud et en Europe de l’Est, dans le cadre de la 14e édition du Festival Cinéma et Mémoire partagée. Cet événement a réuni des intervenants et des experts des trois continents, qui se sont exprimés en quatre langues. Ce rassemblement, qui a combiné les dimensions culturelles et des droits humains, a permis de revisiter des questions fondamentales concernant la vision marocaine du processus de justice transitionnelle, vingt ans après la création de la Commission Équité et Réconciliation. Lors de la séance plénière, Omar Azziman, conseiller royal et ancien président du Conseil consultatif pour les droits de l’homme, a déclaré que l’approche marocaine, avec la Commission Équité et Réconciliation il y a 20 ans, représentait une approche novatrice dans le paysage international de la justice transitionnelle. Il a souligné que le défi actuel consiste à poursuivre le travail fondamental de préservation de la mémoire, préoccupation majeure de la Commission, mais dont les dimensions symboliques et humaines n’ont pu être pleinement explorées. Azziman estime que les progrès accomplis par le Maroc ne se limitent pas à la « préservation des acquis institutionnels et législatifs » liés aux recommandations de la Commission, mais consistent également à « ancrer l’esprit de justice transitionnelle dans la conscience collective des jeunes générations ». Il est donc essentiel d’intégrer les principes de cette expérience dans les programmes scolaires et universitaires, les centres de recherche scientifique et la formation académique des magistrats, des forces de sécurité et des journalistes, afin qu’elle demeure une mémoire vivante. Lors de son intervention, Azziman a plaidé pour « l’organisation de séminaires et d’études sur la justice transitionnelle, qui enrichiront le débat public sur l’avenir des droits et libertés ». Il a souligné que ces expériences « ne peuvent se pérenniser sans être transformées en un patrimoine culturel et intellectuel renouvelé, nourrissant les valeurs d’équité, de réconciliation et de paix, protégeant la société de la répétition des violations et faisant de la mémoire collective la pierre angulaire de la consolidation de la confiance et du développement démocratique ». Le Conseiller royal a décrit l’expérience de la Commission Équité et Réconciliation comme « une voie sereine et responsable pour le Maroc », fondée sur le gradualisme et l’accumulation, soulignant que « la véritable réconciliation ne repose pas sur l’oubli mais sur le souvenir, ni sur la nostalgie du passé mais sur la construction d’un avenir fondé sur la justice et la dignité, après avoir tiré les leçons du passé ». L’orateur a également passé en revue les réalisations de la Commission, soulignant qu’elle avait mené à bien l’un des processus de justice transitionnelle les plus importants au monde, avec des « réparations individuelles et collectives » pour 27 000 victimes, dont un tiers de femmes, et l’allocation d’indemnisations totalisant 200 millions de dollars. De plus, elle a régularisé le statut administratif de centaines de victimes et a assuré de nombreux programmes de réadaptation sanitaire et d’insertion sociale. Aziman n’a pas clos le débat sur les conclusions de la Commission, expliquant que la « recommandation de non-répétition » était et restera d’une importance capitale, inscrite dans la législation et les institutions, et ayant culminé avec la Constitution de 2011 qui a consacré le système des droits et libertés. Quant à la « responsabilité pénale », il l’a considérée comme une question controversée « au sein du mouvement des droits humains et dans l’expérience internationale », soulignant que la Commission avait laissé cet aspect à la discrétion de chaque association ou individu, selon sa liberté et ses convictions. Aziman a conclu son intervention en insistant sur le fait que la « Commission Équité et Réconciliation » ne devait pas être perçue comme un simple élément de la mémoire collective, mais plutôt comme « un projet national de réconciliation et de mémoire partagée, dans un esprit de consensus et avec l’aspiration à un avenir meilleur », et qu’il était essentiel d’ancrer cet esprit dans la conscience collective des générations futures.


